top of page
Rechercher

Le jugement


 

          Il y a une tendance de nos jours à vouloir abolir le jugement et à le considérer comme un vilain défaut. « Arrête de juger », « Je ne juge pas moi de toute façon », « j’ai peur d’être jugé » sont des phrases que l’on peut souvent entendre.

         Et dans cette assertion « il ne faut pas juger », il y aurait en haut de l’échelle le thérapeute qui ne juge jamais !

         La réalité est un peu plus complexe. Comme d’habitude, pendant la lecture, je vous invite à tranquillement être à l’écoute de ce qu’il se passe en vous.

 

         Le jugement n’est pas un défaut qu’on aurait ou qu’on n’aurait pas, le jugement est un mécanisme de simplification du cerveau qui est propre à tous les humains. Dans un monde où nous naviguons parmi des milliards de stimuli chaque jour, on ne peut pas décortiquer chacun d’entre eux : le cerveau effectue des raccourcis qui permet d’être bien plus rapide et efficace. D’autant que nous n’avons pas besoin de tout décortiquer. C’est un mécanisme biologique naturel que de faire des raccourcis.

          On peut aussi noter que le jugement se produit de manière automatique : essayez d’observer vos pensées quand vous marchez dans la rue, vous ne choisissez pas d’avoir tel ou tel jugement sur quelqu’un que vous croisez, il s’avère juste qu’il émane. Observez également la vitesse avec laquelle il émane : on émet un jugement en une micro seconde sur une personne ou un évènement sur lesquels nous n’avons absolument aucune information !

          Ce mécanisme naturel ne se produit pas que sur les autres il se produit également sur soi. Tâchez d’observer à quelle vitesse et fréquence vous vous jugez !

 

         Une fois que l’on a compris que le jugement était un mécanisme naturel, que fait-on de cette information ?

         On calme le regard sur le jugement. On ne juge plus le jugement et on prend conscience que c’est encore un état naturel de l’humain. Car tous ces commentaires sur le jugement ne sont en réalité qu’une couche de jugement en plus. On tourne en rond avec des phrases comme « arrête de juger » ou « c’est horrible de juger ».


         On commence aussi à comprendre que le problème n’est pas le jugement, mais plutôt de ne pas avoir de recul sur notre pensée. Si je pense que mon jugement est la réalité, alors c’est là où tous les conflits commencent. Un jugement est forcément fragmenté, il ne prend pas en compte la totalité de la situation et il est émis depuis un endroit qui est biaisé (cf. les qualités de l’objet observé dépendent des qualités de l’observateur dans mon article sur la confiance en soi).


         Je prends un exemple : je marche dans la rue et quelqu’un devant moi marche trop lentement à mon goût car je suis ce matin de mauvais poil et je suis pressé. Je souffle fort en disant pardon pour passer. Je juge cette personne et j’ai une réaction par rapport à mon état du moment et un but. La personne devant m’entend râler et va peut-être émettre le jugement que je suis mal luné et stressé sans recul sur le fait que ce n’est qu’à ce moment précis que je suis ainsi.

        

Nous nous jugeons en miroir en étant persuadé d’avoir raison chacun par rapport à son prisme- notez que cela arrive à tout le monde dans des micro-évènements à longueur de journée. Si l’on a aucun recul sur notre jugement et celui de l’autre, on a juste deux blocs de pensées sans ouverture qui mènent forcément à un conflit (qu’il soit exprimé ou pas). Or, en réalité il y a un espace où ces deux blocs co-existent : on est alors dans une inclusivité paradoxale. On est dans une perception où l’on ne fait pas l’économie de notre jugement, mais on a le recul pour percevoir que ce n’est que cela : un jugement/perception dans un monde où peuvent co-exister des milliards de perceptions.

 

Et en thérapie alors ?


        C’est pareil ! Comme une personne qui dirait « je ne juge pas moi », le thérapeute n’est pas une personne qui se serait extraite de tout jugement comme c’est peut-être imaginé dans l’inconscient collectif. Mais en tant que thérapeute, une grosse partie du travail réside à mon sens dans une présence non seulement à ce que nous raconte la personne, mais aussi à ce que l’on ressent soi. En étant plus conscient des jugements et de mes ressentis, mon regard va être plus juste avec la personne en face.


          C’est l’essence même de mon travail, et je tâcherai d'en parler dans un prochain article sur ce « contre-transfert dynamique », qui est en d’autres mots comment il n’y a pas juste le patient qui est analysé de manière objective, mais comment c’est une dynamique consciente et inconsciente entre le patient et le thérapeute.

         

Pour conclure


         Un des grands problèmes actuels de l’humanité à mon sens, est que nous manquons de lucidité- nous pensons être bien plus évolués que nous ne le sommes. Nous avons tendance à nous enfermer dans une croyance intellectuelle d’un état supérieur qu’il ne l’est pas encore dans le corps. Je peux me penser comme un être plein de bien séance qui ne juge pas ou qui ne s’énerve pas mais dans la réalité du quotidien et dans le corps, ce n’est pas le cas . Et ce n’est pas un problème ! C’est là où j’en suis, c’est là où l’humanité en est. Et l’humanité évolue inexorablement...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
 

Posts récents

Voir tout
"Mon enfant n'a pas pleuré!"

Pour nombreux d’entre nous, ce lundi 2 septembre est synonyme de rentrée scolaire ! Ces journées sont rarement neutres en émotions, que...

 
 
 
Quand consulter?

Il y a plein de raisons qui peuvent vous inciter à consulter un thérapeute: séparation, deuil, dépression, burnout etc. Mais y a-t-il un...

 
 
 
La Confiance (en Soi?)

De nos jours, on entend beaucoup parler de confiance ou d’estime de soi, que ça soit avec l'excès ou le manque de confiance, la...

 
 
 

Comments


    bottom of page